Pas tempête mais pas loin : on trace à 7 nœud avec 4 ris, le génois à moitié enroulé, c’est adire qu’il ne doit rester qu’un petit quart de sa surface. Mais les vagues ne sont pas trop mauvaise et le régulateur arrive la plupart du temps a barrer tout seul Je passe quand même 2h à la barre et fait prés de 15 miles (!) mais j’ai un peu mal aux mains !
Le vent tombe progressivement tandis que les grains se succèdent, et c’est tant mieux, j’ai plus envie de tâter du force 7. C’est nerveusement et physiquement éprouvant, même si on n’a pas grand chose a craindre en vent arrière si on reduit bien la voilure, quitte a se mettre a sec de toile comme en Algérie (ou on avait pris force 9)…
J’ai des souvenirs mitigés des diverses tempêtes que l’on a essuyé au cours du voyage, mélange de satisfaction, presque de fierté, et d’humilité, de repentance pour notre témérité…
La première ce fut en mer d’Irlande, une queue de tempête en fait puisque l’on s’était réfugier à temps à Penzance en attendant que le plus gros passe. On a pris un bon force 6 dans une mer forte, froide et pluvieuse, mais nous étions 4, les dauphins sautaient des crêtes des vagues pour se jeter dans les creux, et durant la pire nuit, le déroutage pour aller recherche une femme tombé à la mer nous fit oublier un peu nos propres « malheurs ».
La seconde et la seule vraiment dangereuse, ce fut en Algérie. Le vent est monté soudainement, juste avant le soleil, je me souviens de cette écume qui s’est soulevée sur toute la surface de la longue houle pour en faire un tapis blanc et noir, et tout le bateau qui s’est mis a siffler et a gémir dans le vent tout a coup glacial. Sans que je m’en rende compte le paysage est devenue hallucinant, le bateau a pris une vitesse folle et la houle s’est raidie, commençant a déferler inondant incessamment le cockpit. En quelques minutes j’ai du mettre a sec de toile et n’arrivait même plus a diriger le bateau qui se mettait tout seul travers aux vagues mais du mauvais coté ; il filait a 6 nœud vers les hautes falaises à moins de 3 milles. Je criais pour réveiller Midir qui fut très vite opérationnel et eu la présence d’esprit de lancer le moteur quand je lui conseillais de lancer un May-Day. Avec le moteur a fond nous réussîmes a diriger le bateau et a fuir vers la baie de Bejaïa ou nous serions un peu abrité… puis la tempête est tombée aussi vite quelle était montée.
La suivante ce fut je crois celle au large de Zachintosh lorsque nous avions cassé la boite vitesse. Donc pas de moteur. Pourtant nous avions laissé passer un première tempête, nous réfugiant sur la splendide ile de Zachintosh pendant trois jours. Le quatrième nous partîmes au spi puis le vent est tombé, et c’est en mettant le moteur que la boite de transmission nous a lâchée. On a donc attendu le vent, à la dérive en pleine mer, puis quand il est monté on a décidé de partir vers Katakolon, au plus court, et ou le guide nous disait qu’il y avait un bon mécano. Mais le vent a tant forci que les bords de prés se sont mais a faire des angles déprimant, puis carrément angoissant : à 220° nous n’avions plus vraiment le choix de notre direction et quoique nous faisions nous nous rapprochions dangereusement de la côte. Cette fois encore le moteur nous a peut être sauvé, car même détérioré la boite de vitesse nous à permis de gagner un nœud, et donc quelques degrés de cap salvateur… L’arrivé au port sans moteur fut également folklorique.
Ensuite nous avons pris du gros vent, pas vraiment une tempête, en descendant de Crète vers l’Egypte. Mais la encore nous étions 4, c’est plus facile, surtout avec son amoureuse !
La suivante, c’était en revenant d’Assab vers Massawa, après avoir luté 8 jours contre un force 5 dans le nez, puis attendu en vain le vent favorable pour passer le Bab el Mandeb… le retour fut rapide, sans doute notre records de vitesse sur 2 jours : 6-7 nœud de moyenne plein vent arrière avec GV seule et trois ris, des vagues qui déferlaient au ras de la jupe sans réussir a nous rattraper et les haubans qui sifflaient joyeusement. Fatiguant, stressant, mais jubilatoire.
Enfin la dernière en date, la dernière tout court inch Allah, c’était en revenant d’Egypte vers la crête, même condition qu’a l’aller : un bon force 6, mais cette fois dans le nez, accompagné d’une houle levée par un force 8 au large de la Libye. Spectacle divin, sublime que ces crêtes abruptes devenant soudain bleu translucide et s’écroulant devant nous dans un bruit de tonnerre et un nuage d’écume, recouvrant parfois complètement le bateau. C’est sur la fin de la tempête en essayant de récupérer notre cap au prés serré avec toute la toile que nous avons déchiré le génois en enfournant dans un gros paquet de mer…
Voilà, 6 et ça suffit, maintenant nous aspirons plus au calme pour bricoler a fond et avoir un bateau présentable avant l’arrivée ! Au moment ou j’écris ces lignes Midir s’est vaillamment attaqué au nettoyage du puis de dérive plein de jus de frigo et de graisse déguelasse qui sort d’on ne sait ou… sale boulot, mais nécessaire : ça refoulait parfois et les effluves n’étaient pas franchement appétissantes !
Le vent est tombé et nous traçons au moteur vers Bonifacio, à 90 miles.